N'ÊTRE PAS
à mon père
il reste l’enfant
et
un tissu
abandonné
sur la terre
***
c’est un corps
on ne sait pas lequel
***
quelque chose
respire
l’autre
est suspendu dans la lumière
***
le rayon qui traverse
est un sang coupant
***
on voit
les membranes
le disparu
âcre lumière seule
***
un corps émacié
on ne sait pas
lequel vivra
une ombre encore
***
quelque chose soustrait
quelque chose
n’être pas
un sol
***
on ramasse
on pose sur
la planche équarrie
on cherche le nom
***
la mère
est un jour clair
c’est écrit
***
enfant ou quoi
soudain cloué là
on voit l’écrou
***
on serre
dents lèvres
on l’enveloppe
propre et rêche
***
nourrir les oiseaux
distribuer les restes
***
on divise la lumière
on prend les bouches
dans les portions
on taille des angles
dans le silence
***
on les laisse là
enfants ou quoi
***
grandir
est une mesure
mais fermée
comme une caisse
ils s’usent lentement
contre les bords
***
dehors est rien
guerre
mitraille des oiseaux
***
les mères
abandonnées
rivières maigres
***
on frappe aux portes
les mains couvertes de suie
on cherche le lait
***
il y a
des fonds poussiéreux
des reflets
mangés d’absence
***
yeux errants
dans l’opaque
bruits incertains
effluves
ne savent pas
qu’est ce que voir ?
***
on dirait une pierre
on dirait un corps
mains
bouche
graviers d’obscur
imprononçables
***
on regarde
les ruisseaux sales
on range
des fragments de monde
sous les paupières
on souffle sur
des buées de pleurs
***
certains s’étiolent
certains se mettent debout
lui
attend encore
sous une toile nocturne
***
on ne connaît pas
la durée d’une nuit
ni la stridence
de la terre éclatée
qu’est-ce qu’un père ?
est-il un arbre ?
murmure-t-il
entre deux orages ?
***
lui
enfant
esquif
absent
on ne sait pas
qui l’emportera
sous le couvert
d’un manteau de cendres
***
***
enfants
rangés
séparés
distribués
lui
aussi
on l’habille
on l’emporte
***
échardes de ténèbres
échardes de lumière
feuillettent sa peau
sur la plaine aveugle
de son silence
***
est-il assis ?
regarde-t-il le jour ?
sait-il que des choses existent ?
***
soudain grand
le ciel
blanc
lui
l’enfant
est une chute
vers ce haut
***
tomber
pourrait-il être
sans fin ?
***
***
on le verra
enfant
un jour
porté par des bras
de toile noire
***
maison
odeur des feux
odeur des herbes
***
lui
sur cette marelle déchirée
sera
connu
nommé
appelé
***
pieds petits
courant sur un sol
de terre battue
***
certaines enfances
sont des astres
ébouriffés
des chevelures entremêlées d’épines
de dures mains petites
serrant bâtons et
bois mort
***
dans les forêts
les bêtes
tracent des passages
répétés dans l’obscur
des sentiers
noirs d’encre
et d’humus
***
les enfants
boivent à cette sève
âpre
***
ils s’effilent
courant à travers
les densités végétales
***
grandir
est ce lacis de voies
cet enchevêtrement
***
lui
tournera la tête
vers des chemins d’étoiles
et de vent
***
il regarde
son ombre double
s’élever
ne sait pas
qui restera
le disparu
l’abandonné
(novembre 2015 – janvier 2016)
___________________________________________________________________________________
TERRE D’OUBLI
comme si l’air
le sommeil
se teintaient de
gris
se retiraient
dans la peau
du soir
***
nos yeux ombrés
***
loin
nous écoutons
nous décryptons
craquements
venues incertaines
une bête ou…
***
ligne claire
gris lumineux
dans le gris
est
ce qu’il reste
du passage d’’un
oiseau
***
une fumée est le
flou
d’un corps courant
lièvre ou
renard
***
la terre respire
ondulations
navire
corps
balancement
***
croix de sang
sur une pierre
arête brisée
main
tu la regardes
… un outil de chair
rouille incrustée
entre les rides
***
tu as sommeillé
longtemps
empreintes
à demi enfouies
***
une aile
dans la brume
balaie
disperse les sables
***
ce qui
était lu
est retourné
au silence
***
peau frottée
contre la nuit
érodée
écailles d’encre
***
les coins de la
bouche
sont salis
d’un jus sucré
***
tu crois trouver
un bras rompu
mais des visages
contre la terre
***
des cris flambent
dans la nuit
***
certaines phrases
restent clouées
contre les voix
martelées
de limailles fines
***
galops frappant
les parois
d’un orage
imprévisible
crinières
dressées
***
nos regards raturés
se tournent vers le
noir
nuages qui
s’enroulent
vers un centre
imperceptible
***
le vent
déforme les masques
visages
et les chevelures
sont des torsions
de feu
***
une main fleurit
en terre d’oubli
***
comment croire
à la source de
l’eau ?
***
comment pleurer
devant
des pétales
déchirés ?
***
nous cherchons
l’enfant brisée
***
nous voudrions
que nos pères
raccommodent les
corps
***
tu rêves qu’un loup
s’arrête
sur la lisière
de ton ombre
écroulée
qu’il
lèche la pierre
elle
était ton front
***
nous écartons
des brassées
d’herbes sèches
***
broussailles
amas de branches
enchevêtrements
sont creusés
de nids profonds
***
perles translucides
dans le crépuscule
sont des semis
d’absence
et les corps
froissés dorment
éparpillés autour
***
nous voyons
des sentiers
piétinés
***
nous remontons le
cours
de la rivière noire
***
tu cherches
la pierre
tranchante
dans l’obscurité
de ta paume
***
elle gravait des
mots
que le jour
retourne
***
quelle est la forme
d’une voix
dans
l’imprononçable ?
***
récit désagrégé
***
nous ne lirons pas
nous resterons
debout
***
bêtes qui attendent
grand cercle noir
herbes brûlées
lapements
(février-mars 2015)
_________________________________________________________________________________
BOIRE AU BOL DES RIVIÈRES NOIRES
bras
bâtons
tendus
jour aveugle
nous avançons
***
nous portons
des chiens absents
ce qui nous voit
mais retourné
du côté du sang
ou de la nuit
calcinée
***
un goût de cendres
entre le sol
et la langue
***
un sommeil
dans le dos
descendant
ou peut-être un fleuve
***
on dit :
jusqu’à la mer
***
delta
le limon
c’est une main
ramifiée
***
un buisson d’épines
poser un nid
entre les branches
***
on croyait que naître
tournerait
l’écaille de la lune
-une transparence-
vers le noir
le ciel
des yeux
peuplaient la nuit
***
nous courberons le don
chute des étoiles
***
croire encore
que compter la poussière
les gouttes
araserait nos mots
graviers
peaux
bouches dans une neige
taillées
***
marcher
rattrape le temps
marcher retient
soir nuit
leurs mors brûlants
***
notre dos
face à la lumière
***
fièvres pour les mains
une fumée pour le visage
courbée
elle
arpente les seuils
interminablement
***
nous recueillons le gris
pierres érodées
silence et solitude
***
la lumière
est un cercle blanc
***
manquent
les visages
***
forer la terre
extrait
un autre noir
comme
au fond des puits
des eaux d’obscurité
***
nous touchons les pierres
nos mains sont des montagnes
lignes de crêtes
déchirant
toutes les voyelles
***
chants
glissant entre les herbes
sont les souffles du vent
***
nous posons sur nous
de grandes peaux
de ténèbres
***
nous attachons
les restes durs
ossuaires
nœuds
salives où s’écorchent les voix
***
les forêts
absorbent les échos
***
parler au fond des trous
creuser
recouvrir les cris
***
bâtons morts
posés debout
enfoncés
***
nos mains qui pendent
suintent de boue
***
les corps sont comme
des larmes sombres
et s’écoulent
***
au cœur des confluences
les remous
capturent la lumière
***
on aperçoit
de grands cercles obscurs
qui flottent vers les plaines
***
comment vivre
avec au fond des yeux
des ombres suspendues ?
***
tête heurtant l’opacité
des brouillards denses
une argile blanche
***
on gardait au front
une ouverture en forme de bouche
***
silhouette et corps
disparaissaient
***
comment nommer
ce qu’on ne voit pas ?
les réseaux des doigts
des taillis de ronces
la nuit…
***
… on entend
les avancées furtives des bêtes
souffles
respirations
et des attentes qui inclinent l’air
***
nous buvons
au bol
des rivières noires
***
nous égratignons nos lèvres
au frottement du sang
***
fossés
branches
d’une berge à l’autre
fermer franchit les rives
***
voix
mots cousus sur la langue
pour parler :
briser une sève gelée
marteler le nom
***
nous jetons
des brassées de bois sec
nous tournons autour
***
soleil
oiseaux
chavirent
les soirs
appellent le froid
***
tête et nuque
sont des horizons
leurs courbures
replient
les ailes
des rapaces
jusqu’en des mémoires sédimentées
lointaines et rauques
***
des vents violents
transpercent les pierres
ruines minérales
qui déchirent et s’effondrent
***
les corps griffés sont
des écritures
le doigt qui suit les lignes
saignant
se tait
(novembre 2014 - janvier 2015)
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SAISIR RIEN
ce qui survient
ce qui monte
par les fissures entre les pierres
est un astre gris
***
on voudrait se confondre
à l’ombre de
cet incendie
déployer
des toiles lourdes
***
on invente
des fumées de corps
***
on érode en dedans
des graviers
qui crissaient encore
incertitude
***
on dilue les peaux
***
l’air est une sève
et la lumière décroît
la soif
abstrait la bouche
c’est un autre puits
les bords étaient
un corps
***
comment nommer
des parois de chair
courbes et dures ?
***
se pencher au-dessus
éteint les bruits
les mots les voix
***
des pierres d’os
se brisaient
disparaissaient
***
on aurait pu entendre
des cailloux
rouler contre le sol
***
on
écouterait
***
mais d’autres pierres
sont accrochées
à la ligne courbe
du dos
***
marcher ainsi
raccorde sans soin
des fragments d’horizon
***
certains pas
effacent la terre
***
poussière
est notre ombre
qui glisse
entre es herbes froides
***
de loin on regarde
une silhouette
qui tente de gommer
ses propres formes
***
saisir rien
disperse
tout un faisceau de peines
***
germinations
que le vent délabrera
***
***
des lignes vibrent
sans éclats
***
on pourrait dormir
dans des cavernes
aux parois
tendues
de lambeaux de peau
***
mais on se cogne
contre un corps opaque
et le heurt
n’a pas de son
***
l’autre main
malhabile
est une neige salie de cendres
un monticule gris
lentement oublié
***
entre ciel et terre
un naufrage
porte le vide
et tout chavire
entre une lueur mouvante
et le silence
***
la nuit franchit
le cercle de l’ombre
au centre
était
un corps
(octobre 2014)
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CORBEAUX
la lumière
est un raclement d’ombre.
ses lents bruissements
remuent des poussières
d’oiseaux.
***
certains étincelaient.
ils étaient
des encres bues
par des terres d’absence.
***
leurs scintillements
comptaient
les nombres du noir
comme des faces luisantes
reflétant
les mouvements de l’air.
***
il faudrait
tourner les corps
déplacer
leurs empreintes lourdes.
***
les hauts troncs aussi
se heurtent dans le vent.
***
les mains
s’incrusteraient de suie.
on dirait
des réseaux de voix
presque imperceptibles
fissurant le silence.
***
certains
pleuraient de pluie
leurs silhouettes brumeuses
coulant sur les pentes.
***
certains diluaient le noir
jusqu’à un œil infime
fixant la nuit.
***
voir
le noir
est un axe étroit.
on déployait des seuils
au-delà.
***
l’un
s’envolera.
il laissera
au fond des mains
tout un fouillis d’écritures
creusements à vif.
***
il faudrait
pouvoir lire
la sève
qui suinte.
***
comment lire
sans boire
cette buée de sang ?
***
ânonner
prononcer.
…
mais cette bouche
maculée d’ombre
…
…
les oiseaux
portaient à la lumière
quelques petits fruits noirs.
***
les oiseaux
tendaient les becs
vers le ciel
avec au bout
quelques points
rompant les mots.
***
dans la nuit
trois voix sont forées
comme des puits.
***
fracas
des cailloux brisés
résonnant contre les bords.
***
il est
corbeau
le grand cercle sombre
d’un cri lointain.
***
il nous faudrait
tourner et tourner
des boues d’argile
jusqu’à la courbe d’un corps
et lustrer les têtes
comme des monts d’obsidienne.
***
un autre.
oiseau.
une envergure multipliée par
la force du vent.
vol qui trébuche
bourrasques
et ces poignées de grêlons
déchirant les regards.
***
des phrases
malhabiles
oscillent.
elles puisent l’eau
loin dans des terres
engluées de salives froides.
elles puisent des larmes
dans des feuillages
frottés de lune.
***
le blanc du sel
est un astre
pulvérisé.
***
les yeux ne seront plus
que des nuages
perforés d’échardes.
***
la foudre sera
périssable.
dissémination des corps
arrachés à
un orage de cendres.
***
la nuit
est une charpie d’étoiles.
elle est
sourcière des tourments
qui coulent
à l’envers de la douleur.
***
les grands oiseaux
à rebours
érodent l’air.
ils s’étiolent
de leurs corps perdus
pulvérulents.
***
existe-t-il
un feu aride
qui poudroierait
des signes brûlants
sur toute la terre ?
(août 2014)
_______________________________________________________
DES BÂTONS DE PLEURS
aux sommets des arbres
la lumière
absorbe les branches
les feuilles
un oiseau incandescent
***
sans paupières
les yeux sont ouverts
en obscure eau d’aveuglement
***
le ciel
transporte des ombres
nos corps horizontaux
bouches baignées
de salives froides
***
on verrait s’ouvrir
des lucarnes
dans des mains d’air
ou bien
sont-elles
soulevées par le vent ?
***
on attacherait des flammes
à des brumes carbonisées
jour noir
retournant vers les étoiles
***
nos jardins
sont semés de neiges
éteintes par les encres
neiges ou cendres
enclos de germinations adventives
***
les longs abois
des traits gravés dans les paumes
diront-ils
la force nue
de l’écriture des gestes ?
souffles des gestes
dans les cavernes des corps
***
nous ramasserons
des bâtons de pleurs
nous enlèverons
brindilles et poussières
de leurs empreintes
creusées dans la terre
***
nos doigts
s’écorcheront
cailloux des doigts
sombres ou clairs
se mélangent
dans les anfractuosités du monde
***
il faudrait dire
les longues silhouettes lancéolées
et leurs langues fluides
nageant dans les fleuves
***
on verrait
des visages d’algues
onduler
parmi les remous de
l’eau
***
des grands oiseaux
traversent les deltas
refluant
vers les montagnes
***
certains mots
reptiliens
remontent le temps
mais nous ne pouvons plus
les prononcer
mains mort regards
corps qui s’inclinaient
pluies de poussières
***
dormir serait
le recouvrement des voix
d’autres effleureront le sol
avec de grands bâtons tendus
entremêlant
les signes
***
les détours des lignes
multiplient les oiseaux
leurs envols
gribouillant l’horizon
noirs sur noir
***
nous écoutons
la neige glisser
dans les sillons
dessinés par nos passages
***
nous frottons
dans nos deux mains
deux cailloux
auréolés de givre
***
épines blanches
des rides
soulignées de craie
sont incrustées dans les visages
***
les rires
cartographient
le ciel
***
on trouverait
des pages épaisses
tendues
sur l’enclume de la terre
martelées
***
des piétinements
usent les noyaux
de nos langues rauques
égrenant syllabes et graviers
***
les sommets
sont
arasés
des crêtes courbes
persistent dans l’air
nous logeons dessous
nos nuques grises
nous couvrons les têtes
***
certains
attacheront ensemble
de grands manteaux de feutre
certains marcheront
interminablement
***
les roches résonnent
sous les pas
crier serait
une corde
éraillée de nœuds
***
nous butons
contre des mottes gelées
nous distribuons des plaintes
jusqu’à la
détérioration de la neige
***
voix translucides
ternies de suie
gravitant
dessinant des cercles larges
contre le sol
***
on pourrait croire
à des reflets lunaires
mains
répétant le geste d’écrire
qui psalmodient autour
(décembre 2013- février 2014)
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LIRE LES TREMBLEMENTS
cueillant
lèvres noires
une ligne de petits fruits ronds
une caisse d’ombre
l’angle droit
le corps…
décharnement
d’un arbre sec
***
… occupé à
battements
d’un sang interne
une cloche seule
***
un fouillis d’oiseaux
des vols courts
scintiller
***
tu conduis ta main
à gribouiller
à désordonner la page
***
carbone cendre
une araignée
tend
ses rayons de poussière
noue des fils
saccadés
***
marcher serait
un cercle noir
aux pieds brûlés
***
manger la nuit
construire des perles
avec sa mie
compter
mesurer les angles des doigts
tisser
le gris de l’air
***
tu élabores
un linceul obscur
les plis
sont des réseaux de jachère
ton corps
attend
***
frotter
des nuages sur le papier
dessiner des orages
entre trois murs édifiés
des clartés
filtrent entre les pierres
***
briser
tiges
sèves ambrées
maculer la bouche
clore
en lettres rouillées
mains aussi
poignets rompus par
un écheveau de corde
***
un grand bâton sec
fiché en terre
pieds scellés
***
tu es l’aiguille
il existe un temps
creusé par la lumière
un bol céleste
tu érafles les courbes
mi-jour éraillé
***
montagne est main
couvrant le noir
sommet
battu par les vents, neiges
il pleut
jusque sous les anfractuosités des pierres
demeures
sans voir
***
loin
d’une eau stagnante
ramener
quelques poignées de boue
écarter
algues filaments
entendre
une lisière de larmes
voir
des éclats translucides
diminuer
***
derrière l’oiseau
les mouvements de l’air
l’oiseau
derrière
arrondir les ailes
s’envoler
***
croix d’ombre
rayant les berges
un écart
effondrement de l’encre
orage interrompu
***
tu balaies les plaines
passages
souffles
soirs
***
tu t’appuies
trois jambes
l’une
était compagnie
un écho cristallin
***
guider
une branche est seul troupeau
arpenter les landes
***
tomber
le ciel descend
courbures
dos
horizons
genoux en terre
***
silhouettes transparentes
regards troublés
respirer est
gravitation lente
***
enrouler
interminables toiles cendreuses
voix
serrer avec
***
les jours se sont défaits
lambeaux
tu éteins
le miel
des fissures étroites
tu lis
les tremblements
***
étoiles
entre deux pulsations
la mort
invisible
nourrit la nuit
trébuchant
***
boire
des eaux sombres
précédait
la luminosité de la soif
effaçait
les trajectoires
(août-septembre 2013)
_______________________________________________________
ENTRE LE SILENCE ET LA VOIX
les lignes de la terre ondulent.
marcher est sans destination.
quand la brume effleure le sol, les présences des pierres
sont dites, ou murmurées.
peut-on écrire sans directions ?
***
la brume efface, les pierres froides sont frôlées, exhumées
de l’absence qui aveuglait les regards.
pluie et temps ruissellent, creusent la terre.
écrire est là où la fragilité de la page se rétracte, ces
sortes de sillons.
***
je voudrais traverser la lande opaque des voix.
mais écrire, la couleur de l’encre, l’envers de dire.
sous l’obscurité, la clarté existe-t-elle encore ?
est-elle immobile ?
***
je voudrais voir les pensées, déposées, avant qu’elles ne
deviennent voix, mots.
qu’est-ce qui vibre entre le silence et la voix ?
qu’est-ce qui se déploie entre l’absence et le corps ?
***
peut-on entendre, dans les voix, les graviers de
silence ?
je voudrais écrire, que les mots ne disent rien.
***
qui guidera la main pour délier les lettres, pour tendre
doucement le fil, alourdi par l’encre ?
***
il pleut sur les pierres noires des mots.
la lumière monte du noir.
la lenteur d’une lueur d’étoile sur une pierre est-elle une
nuit ?
***
un mot écrit est-il le noir de l’encre ou ses lisières
blanches dans le papier ?
est-il la cicatrice d’un blanc maculé ?
***
quand le ciel se retirera, une neige constellera la plainte.
brume et pierres seront recouvertes.
un silence épais s’enroulera autour des mains.
resteront des gestes étroits, des hachures saccadées,
soustraction du corps aux chemins parcourus.
***
aller, venir, inlassablement, est voix d’arasement.
l’encre, s’épuisant, avance vers une cendre pâle.
où disparaissent les reliefs usés des écritures ?
***
l’air est comme gribouillé par la pluie que bouleverse un
vent violent.
je voudrais écrire une page saturée, jusqu’à un gris
uniforme.
les mains sauront-elles tisser les lettres et les
mots ?
les mots sont des herbes.
***
peut-on entendre le son de l’illisible ?
les paupières sont ciel obscur, des horizons sombres se
posent sur les épaules.
***
dans le caisson de la nuit, remuer des voix, des mots.
on entend une rumeur estompée.
( "Entre le silence et la voix" est édité aux Éditons La Porte, Yves Perrine, 215 Rue Moïse Bodhuin 02000 Laon)
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DISSOLUTION D’UN SEUIL
là
est la haute colonne du ciel
délabrée par la lumière
là
la toile aride du sol
où brillent des herbes sèches
dressé
caillou
est la source du souffle
***
si c’est un corps
et qu’il cherche son vêtement
d’usure
il marchera
sur les échardes de son ombre
les talons percés
il emplira de poussière
ses poches déchirées
il maculera
sa bouche
***
dehors
est l’angle aigu de la clarté
le guet de l’oiseau
suspendu au zénith
est le sang sombre
des cris infimes
soudain exhumés
***
dedans
les gens parlent bas
ils couvrent leurs mains
avec les cendres du froid
***
dehors
les vagues de la terre
flamboient
l’air
s’est dévêtu
de sa peau
gémir
est un vent errant
***
toi
corps
est un détroit
entre la plainte et la plaine
passent
des cortèges interminables
***
eux
les pieds traînants
font craquer
les traverses du pont
longue voie
de poussière levée
leurs yeux s’en vont
subsistent
des brouillons de la mémoire
tes doigts tendus
vers les ratures
***
tes mains
cueillent les fêlures
fouiller
les anfractuosités
est un ruisseau pâle
accordeur de silence
***
mais
le raclement qui avance
dessine des berges
les charges
qui ployaient les dos
s’amenuisent
d’une chair perdue des corps
***
tu es
pierre d’incertitude
agrégat d’un balancement de
l’air
le fleuve de la neige
s’écoulait sans toi
il emmurmurait tes pas
***
le long ravaudage
accordé à la terre déchirée
tenaille les lèvres
et les statuaires de la
bouche
les mots
se séparent des voix
***
vêtir un arbre
relèvera
les sommeils hachurés
***
porteur d’eau
au creux de ses mains
il boit le vide
entre deux gouttes égarées
il porte
une bouche noyée
mangée de sel
***
c’est un sable clair
qui franchit la parole
quand chaque mot est
enveloppé
de duvets et de laines épars
si lointains les sons
qu’un écho de voyelles
heurtées
ne les effleure
***
il faudrait
en guise d’arbres
redresser les corps exténués
et les lever haut
vers le ciel
il
appellerait les oiseaux
nombreuses sont
les nidifications
***
les flaques sont
des restes de nuages
mais
entre l’eau et la paume
s’est désagrégée la soif
les lèvres saignent
étroit
est ton nom
***
dans la lumière
les blessures des mains
quêtent la nuit
mendiantes
***
les corbeaux aussi
savent liquéfier
l’âpreté de leurs cris
ils tombent
et avalent leur propre poids
sans buter
contre la mort
averse des oiseaux
sans avènement
est la brusque énonciation
de la mort
***
une toile épaisse couvre
une silhouette
inclinée
peut-être
cherche
ton corps
demain
***
certains sèment
des graines fines
certains
creusent
des terriers obscurs
chaque main
est une estampe
c’est son dessin
qui soulève les choses
***
les choses
sont silencieuses
on les écoute
***
tu resteras
sur un seuil
tu verras
les lueurs trembler
à l’est
les dos sont noirs
les pelages des bêtes
éteignent les feux
jusqu’à ces graviers rouges
***
détritique
ciel
la nuit
lentement
emplit ses déchirures
tes yeux
te regardent
sans voir
***
les ombres
s’éveillent lunes
elles baignent
les reflets des arbres
puis entrent
dans l’obscur
***
on entend
des cliquetis intermittents
les bêtes marchent
l’invisible de la terre (avril 2013)
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